jeudi 14 avril 2011

Printemps au Sud de la France

Renaissance, amour et révolution en Languedoc-Roussillon : micro-trottoir

"Le printemps ?", réagit l'homme dans la quarantaine à la question de l'équipe des Gens du Sud de la France. "C'est une sorte de...", il réfléchit, "...renouveau, n'est-ce pas ? Mais pas seulement dans la nature. Aussi dans la tête des gens." Et il ajoute : "C'est au printemps qu'on a envie de faire la révolution."
 
La dame dans la soixantaine qui profite du soleil en sirotant une tasse de thé sur une terrasse de la place de la Comédie a d'autres associations. "Le printemps est le moment où on a le droit d'oublier la tristesse de l'hiver. On recommence à penser à l'amour. On se dit de nouveau que l'amour, c'est encore possible."
 
Envie d'amour et de révolution - selon une Nîmoise de quelque 35 ans, l'un n'exclue pas l'autre. "Au printemps", déclare-t-elle, "tout est possible. L'amour, la révolution, une nouvelle vie, un nouveau travail..." - "...et même une mairie qui fait reboucher les 'trous' creusés pour le trambus", l'interrompt son ami. La dame rit : "Le printemps ne t'inspire pas autre chose ?" L'homme hausse les épaules. "Peut-être, mais pour le moment, on ne pense qu'à ça, ici à Nîmes."
 
Un Monsieur qui attend un rendez-vous devant le Palais des Congrès à Perpignan ne pense pas non plus à l'amour ou la beauté de la nature. "Qui a le temps de penser au printemps ?" demande-t-il. "Avec tous les problèmes qu'on a en ce moment. Et les problèmes ne se règlent pas, au contraire, ils deviennent de pire en pire. Vous demandez ce que j'associe avec le mot printemps ? Les grands manifs. On verra, mais je suis sûr que le printemps va nous amener de grandes manifestations. Les gens vont plus se laisser faire. On n'est pas des moutons."
 
Les gens attendent-ils le printemps pour manifester ? Une jeune dame également de Perpignan n'est pas de cet avis. Elle rit. "Meuh non, les gens manifestent quand ils ressentent le besoin. Mais il est vrai que manifester au printemps, c'est plus agréable." Puis, elle devient sérieuse. "Vous parlez de manifestations - je crois pas qu'on va passer le printemps sans descendre dans la rue. Les gens sont de plus en plus fâchés. Cette année-ci, leur colère ne va pas se calmer avec les vacances."
 
Et elle pourrait ne pas avoir tort... "Franchement", dit un Montpelliérain dans la trentaine, "je n'ai vraiment pas la tête de penser au printemps. Je viens d'être licencié - et avec moi, deux cents de mes collègues. 'Là-haut', ils font comme si la crise pouvait s'arrêter quand ils nous mettent dans la merde... nous et nos familles. Mais eux-mêmes, ils mangent dans de grands restaus et mènent la belle vie. Non", renforce-t-il, "pour moi et ma famille, pas de printemps, pas d'été et pas de vacances d'été, cette année..."
 
Le printemps n'est donc pas rose pour tout le monde - même pas au niveau amour. "Le printemps", déclare une Nîmoise d'une quarantaine d'années, "ça me rappelle l'amour. Et je veux plus rien savoir de l'amour. Je viens de divorcer. L'amour, c'est un feuilleton à la télé, mais ça n'existe pas dans la réalité."
 
Y a-t-il des gens du Sud qui sont heureux que le printemps est arrivé ? "Bien sûr", sourit une dame à Béziers, "je suis toujours heureuse quand il ne fait plus froid. Il y a des vacances, bientôt, j'irai à la plage avec mes petits-enfants."
 
La Méditerranée, dirait-on, est un élément important dans la vie des gens du Sud. Les premiers week-ends chauds et ensoleillés, les plages grouillent du monde. "Le printemps est fantastique", décide une étudiante anglaise à Montpellier. "On va à la mer tant qu'on peut. On a même demandé aux prof de faire cours à la mer." Et une Perpignanaise d'une cinquantaine d'années ajoute : "En hiver, il fait trop froid. En été, il fait trop chaud. L'automne, il est presque hiver. La seule saison où on peut vraiment bouger, c'est le printemps. Au printemps, on ne s'ennuie pas - si on ne sait pas quoi faire, on peut toujours aller à la plage..."
Copyright Doris Kneller

mardi 5 avril 2011

Chantiers à Montpellier et Nîmes : tram et trambus

Tram et trambus vus par les Montpelliérains et les Nîmois : micro-trottoir

Question : Que distingue les villes de Montpellier et de Nîmes ? Réponse : Rien. Dans les deux villes, il y a des travaux partout...
 
Au début, les Montpelliérains et Nîmois étaient plutôt patients. Encore avant la dernière rentrée, en août 2010, on pouvait entendre à Montpellier : "Il est vrai qu'il y a des rues bloquées, mais tout est resté logique. Bientôt, tout le monde aura pris l'habitude. Et nous seront largement récompensés, le jour où nous aurons la troisième ligne du tram." ou "Les gens râlent toujours. Des embouteillages, vous les trouvez dans toutes les villes. Montpellier n'est pas une exception, tout simplement."
 
Toutefois, huit mois plus tard, l'image a changé. Les gens ne sont plus prêts à "souffrir pour un meilleur avenir", et ils n'ont pas "pris l'habitude" des embouteillages et des rues bloquées. Certains commencent même à se mettre en colère. "On a l'impression que les travaux n'avancent pas", déclare une Montpelliéraine d'une trentaine d'années, "on voit des chantiers partout, mais pas de progrès." Une autre dame, un peu plus âgée que la première, va plus loin : "C'est comme si on nous avait condamnés pour toujours de vivre avec des rues en travaux. Cela ne finira jamais."
 
Il est vrai que beaucoup de personnes ont l'impression que les travaux ne seraient jamais finis. Un Monsieur dans la cinquantaine exprime l'opinion de beaucoup de Montpelliérains : "Certes, la ligne 3 sera prête, dans quelques mois ou un an. Mais ensuite, ça sera la ligne 4. Et d'autres aménagements. Les villes ont trop de moyens à leur disposition - elles tirent l'argent du porte-monnaie des gens, et elles le dépensent en illimité."
 
D'autres ne sont pas contents des progrès des travaux. Un mercredi, vers 17.30 heures, près de la gare, quelques Montpelliérains dans l'âge de la retraite se sont retrouvés devant un grand chantier. Ils remarquent qu'il n'y a aucun ouvrier en vue. "Des projets comme ça", déclare un d'eux, "il faut qu'ils soient en travail permanent." - "À Paris", commente un autre, "quand ils ont construit le métro, ils faisaient les trois-huit. Comme ça, les travaux étaient vite finis et gênaient moins les piétons et les voitures."
 
"Oui", renforce un autre, "c'est bien malheureux qu'à cette heure-ci, il n'y a personne qui travaille. Il faudrait y avoir au moins trois cents personnes en même temps pour que ça se fasse vite." - "Ce n'est pas possible", enchaîne un quatrième Monsieur. "L'entreprise qui est responsable des travaux ne paie pas assez de salariés. Et à ceux qu'elle emploie, elle ne paie pas assez. Si elle donnait 20 euros de plus par heure, les gens travailleraient même le samedi et le dimanche."
 
Son prédécesseur rigole. "Ils n'ont pas envie de payer cher, ils préfèrent garder l'argent pour eux. 20 euros de plus, tu rêves." Un autre Monsieur, toutefois, présente ce qui, selon lui, pourrait être une solution : "Il y a des femmes qui font les poubelles pour lutter contre la misère. Leurs maris se cachent tellement ils ont honte de leur pauvreté. Au lieu de laisser des chantiers vides pendant des mois, on pourrait leur filer ce travail. Et ils travailleraient pour pas cher" - "Non", répond le Monsieur à ses côtés, "ils ne veulent pas faire travailler les gens qui sont dans la misère. Ils préfèrent dire que ces gens-là cassent les voitures. Mais ce n'est pas vrai. Le vrai ouvrier dans la misère, il ne casse pas les voitures - il se cache."
 
Cependant, la gêne causée par les chantiers du tram est assez grave aux yeux des Montpelliérains. Le danger, par contre, "c'est encore une autre histoire", comme explique une dame dans la cinquantaine. Elle parle d'un passage piéton qui traverse le Boulevard du Jeu de Paume pas loin de la Tour de la Babotte. Elle a observé une jeune fille qui "s'y est presque fait tuée." L'équipe des Gens du Sud de la France a visité l'endroit dont la Montpelliéraine a parlé et interrogé d'autres personnes - et, effectivement, la dame n'est pas la seule à être persuadée que les piétons n'y sont pas en sécurité.
 
"Pour les piétons", commente la dame, "il n'y a qu'un simple passage, sans feu. Ils pensent donc qu'ils peuvent y aller dès qu'il y a moins de voitures en vue. Et que les voitures font attention comme partout où il n'y a qu'un passage piéton. Mais ce que, normalement, ils ne peuvent pas voir : les voitures, elles, ont un feu. Quand ce feu est sur vert, elles foncent sans faire attention aux piétons. C'est un véritable piège."
 
Qu'en pensent les Nîmois ? Sont-ils contents que, récemment, les travaux ont été interrompus ? - "Personne ne sait quoi penser", réponds un Monsieur d'une quarantaine d'années. "De toute manière, personne ne va nous demander notre avis. Tant que t'as pas le pouvoir, t'as rien à dire..."
Copyright Doris Kneller